D'Après Wendy
« D’Après Wendy », avec Allan Deneuville,
postface à Codes, races, climat, habitudes. Implications sociales de la numérisation,
de Wendy Hui Kyong Chun
édité et préfacé par Yves Citton
& publié par Les Presses du Réel, Petite collection ArTeC, Dijon, 2023
La théoricienne des nouveaux médias Wendy Hui Kyong Chun expose sa conception originale de la programmation et du code, alerte sur les biais de racialisation, de l’homophilie et des tendances eugénistes qui régissent nos interactions sur les plateformes et analyse la nécessité de convoquer les sciences humaines et sociales dans la conception des modèles algorithmiques chargés de prédire les évolutions et impacts du dérèglement climatique.
Depuis le début des années 2000, Wendy Hui Kyong Chun a publié cinq ouvrages qui ont profondément modifié la façon dont nous concevons les logiciels, les socialités sur plateforme et les modes de subjectivation qui en émanent. Malgré sa célébrité internationale, cet ouvrage est le premier qui introduit ses travaux aux publics francophones. On y trouvera des analyses du code comme sorcellerie, de la racialisation comme technologie, du changement climatique comme modélisation et des big data comme dramaturgie. Ces questions centrales pour notre époque sont dynamisées par la triple perspective caractéristique de ses recherches : une ingénieure qui nous fait entrer dans les boîtes noires de la computation ; une historienne des sciences sociales sensible à leurs biais coloniaux et patriarcaux ; et une philosophe politique en prise directe avec les luttes d’émancipation.
Après une préface donnant une vue d’ensemble du travail mené par Wendy Hui Kyong Chun au cours des vingt dernières années, deux chapitres exposent l’originalité de sa conception de la programmation et du code, dont elle analyse différentes dynamiques paradoxales : plus une interface est user-friendly, plus elle est rendue opaque par la multiplication des couches nécessaires à la rendre intuitive ; plus on prétend se mettre à l’écoute algorithmique des « données », plus on reproduit des biais discriminatoires cachés. Le troisième chapitre traite plus particulièrement de certains biais de racialisation, le quatrième fait la généalogie de la notion d’homophilie, qui organise actuellement nos interactions sur plateformes mais qui hérite d’une conception eugéniste des populations humaines, tandis que le cinquième chapitre porte sur le besoin de convoquer les sciences humaines et sociales dans la conception des modèles algorithmiques chargés de prédire les évolutions et impacts du dérèglement climatique. Une postface rebondit sur le contenu de ces différents chapitres pour réfléchir à leur pertinence dans le contexte des cultures francophones contemporaines.